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Il faut bien l'avouer, si ma voiture préférée
est la Facel Vega II, (qui me restera
malheureusement inaccessible pour cause de
budget ! ), je voue une grande passion pour la
Citroën Traction Avant.
Certains sont marqués à vie par une passion, moi
je peux le dire au propre comme au figuré. D'où
et depuis quand me vient cette passion pour
cette voiture? Peut-être depuis ce jour de 1958
(j'avais 4 ans) ou, sur une petite route de
campagne, assis à côté de mon père qui roulait à
80 km/h, je me suis assoupi et avec mon coude
j'ai ouvert la portière. Ces fameuses portières
dites "suicide" parce qu'elles s'ouvrent à
"l'envers" portent bien leur nom.
Je fus instantanément éjecté, mais, par chance,
la route n'était pas large et j'ai atterri dans
un champ! J'ai quand même eu une partie du
visage arrachée mais, avec le temps cela ne se
voit presque plus. Voilà pourquoi je dis que je
suis marqué par cette voiture !
Toute mon enfance j'ai rêvé d'avoir une Traction
Avant, la même que mon père, une des premières
avec la roue derrière.
En 1976, juste marié, j'en ai acheté une, mais
en voiture principale, nous n'en n'avions pas
d'autre! Malheureusement il a bien fallu la
revendre au bout d'un an, trop démodée, trop
dure à conduire, plus très fiable, pas de
chauffage, et pas très économe.
Depuis je rêvais d'en acheter une autre, mais
cette fois je la voulais à restaurer.
Et, un jour de 1991, l'occasion se présenta,
enfin. Cela faisait 4 ans que je voyais une
épave de Traction au fond d'une casse, une avant
guerre. (les Tractions, je le rappelle, ont été
fabriquées de 1934 à 1957). 2 à 3 fois par an,
j'allais me renseigner pour l'acheter mais à
chaque fois on me disait qu'elle n'était pas à
vendre, que son propriétaire voulait la refaire.
Et, pendant ce temps là elle pourrissait dehors
!
Finalement au bout de 4 années j'ai enfin pu
l'acquérir.
Je pourrais vous raconter son histoire, mais je
pense qu'elle le fera mieux que moi. Je lui
laisse donc la parole :
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- Bonjour,
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Je m'appelle Citroën Traction
Avant 11 légère et je suis née en Mars 1938.
Comme toutes mes sœurs, j'avais passé ma vie au
service des humains.
Depuis notre création, en 1934, nous étions
tellement modernes, pleines de nouveautés :
Traction avant, carrosserie monocoque sans
châssis, moteur flottant à culbuteurs et à
chemises amovibles, suspension par barres de
torsions, roues indépendantes, freins
hydrauliques, aérodynamique.
Nous les avions tous véhiculés, du plus simple
ouvrier au ministre, du paysan au Président de
la République, du Résistant à la Gestapo, du
policier au truand, etc., ...
Et pourtant un jour de 1957, tout s'est écroulé,
tout s'est arrêté. Les hommes ont commencé à
s'éloigner de nous. Ce fut la lente agonie, la
fin et l'extermination pour la plupart de nous.
De "Reine de la route", nous sommes devenues de
vieilles guimbardes démodées, dépassées,
inconfortables. Ils nous ont bannies, se sont
séparés de nous, nous ont broyées, nous ont
laissé pourrir. Certains ont même donné de
l'argent pour se débarrasser de nous !
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En 1988, après de longues années, abandonnée au
fond d'une casse, un homme pourtant venait me
voir régulièrement. Je n'avais plus d'yeux car
on me les avait arrachés, mais je le sentais, je
n'étais plus devenue qu'un immonde tas de
rouille, mon moteur gelé, brisé, mon intérieur
pourri, rongé par l'humidité et les souris. Et
pourtant, après 4 années d'obstination, en 1991,
il est enfin venu me chercher.
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Ce fut la fin du cauchemar, le début d'une
résurrection :
Tout était à refaire entièrement. |
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Et, sans aucune connaissance en la matière, il a
entamé ma restauration dans son sous-sol.
Avril 1991 - Démontage total |
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Janvier 1992 - Décapage à nu de toute ma
carrosserie à la ponceuse.
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Si, si, le dessous du plancher aussi ...
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Mai 1992 - Heureusement ma carrosserie n'était
perforée qu'au niveau du bas de caisse. Il en a
refaçonné un nouveau, à la main, dans un morceau
de tôle et ressoudé, ainsi que le bac à batterie
pourri.
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Juin 1992 - Traitement de toute ma carrosserie
au produit antirouille.
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Septembre 1992 - Première couche de peinture
d'après antirouille |
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Janvier 1993 - Ponçage de ma carrosserie. |
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Février 1993 - Application de la sous-couche
avant peinture et compartiment moteur |
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Avril 1993 - Réfection complète de mes freins. |
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Juin 1993 - Ré accouplement de mon nouveau
moteur et sa mise en place. |
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Juin 1993 - Son bonheur et sa fierté à mes
premiers tours de roue. |
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Juillet 1993 - Fabrication de tout mon faisceau
électrique.
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Septembre 1993 - Remise en état de mes
garnitures intérieures.
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Octobre 1993 - Réfection complète des sièges.
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Novembre 1993 - regarnissage des sièges avec le
crin de cheval conservé. |
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Juin 1994 - Préparation et peinture finale faite
en cabine par un de ses amis (la seule chose
qu'il n'a pas faite lui-même car trop complexe
et trop risquée lorsqu'on n'a pas le coup de
main du professionnel).
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Septembre 1994 - Décapage et peinture des roues.
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Octobre 1994 - habillage des intérieurs.
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Novembre 1994 à Mars 1995 - Réfection de toute
ma sellerie et moquette intérieure faite par
lui-même ; et dont il est assez fier.
Car, dans sa vie, à part avoir recousu à l'armée
3 ou 4 boutons, il n'avait aucune expérience en
la matière.
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Avril 1995 - Enfin terminée, dans ma
couleur originelle avec mes roues jaune bouton
d'or et l'immatriculation de ma date de
naissance. |
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Seule entorse à l'origine, mes jantes coupées de
noir qu'il trouve moins voyantes !
Après ces 4 années d'effort et d'obstination, ce
fût une seconde naissance pour moi, Et depuis,
je me devais de ne lui apporter que
satisfaction.
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Aujourd'hui, lorsque nous nous rencontrons mes
sœurs et moi, quel bonheur et quel plaisir de
savoir que nous sommes redevenues les préférées.
Nous sommes en effet les automobiles anciennes
françaises les plus nombreuses, les plus
recherchées, les plus collectionnées.
Quelle magnifique revanche pour nous ! Merci à
ceux qui nous font revivre et à ceux qui nous
aiment.
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